Interview avec Emre Güvenir du 04 décembre 2024
1. Comment définis-tu la passion dans ton travail artistique ?
« C’est l’élan vital qui transforme l’ordinaire en extraordinaire. C’est ce feu intérieur qui te pousse à écrire une scène à 2 h du matin parce que l’idée refuse de te quitter. C’est une lente obsession qui te rapproche un peu plus de toi-même à chaque instant. Mais c’est aussi une force qui exige un équilibre, car, comme son étymologie le suggère, elle peut devenir destructrice si elle n’est pas maîtrisée. Trouver cet équilibre, c’est apprendre à laisser le feu éclairer sans qu’il dévore. »
2. D’où tires-tu l’inspiration pour tes courts-métrages ?
« Je puise dans les silences entre deux êtres, dans la lumière d’un matin d’hiver, dans la fragilité d’un regard échappé. Chaque détail de la vie quotidienne est une histoire en attente. Et souvent, ce sont les émotions non-dits, les zones d’ombres de nos vies, qui me fascinent le plus. »
3. La photographie et le cinéma : comment ces deux pratiques se complètent-elles pour toi ?
« La photographie m’apprend la patience, l’observation, et l’art de capturer l’instant. Le cinéma, lui, me permet de donner vie à cet instant, de le plonger dans une temporalité. L’un fige le temps, l’autre le prolonge. Ensemble, ils forment un langage visuel complet. »
4. Quelle place occupe ton identité franco-turque dans ton art ?
« Mes racines franco-turques sont comme deux courants qui se rejoignent pour nourrir une même rivière. Elles m’apportent des nuances, des contrastes, une palette riche d’expériences et de sensibilités. Mais au-delà des origines, ce qui guide mon art, c’est un langage universel : celui des émotions. C’est une voix sans frontière qui parle directement à l’âme. À travers mes créations, je veux capter cette lumière intérieure que chacun porte, qu’elle soit teintée de mélancolie, de passion ou d’espoir. Car finalement, l’essentiel n’est pas tant d’où l’on vient, mais où l’on va. »
5. Comment est-ce que cet héritage nourrit véritablement ta vision artistique et personnelle ?
« C’est une dualité fertile. La Turquie m’a offert une sensibilité aux traditions, une mélancolie douce qu’on appelle hüzün, et un rapport poétique au temps. La France m’a donné une ouverture à l’universel, une curiosité insatiable pour les récits humains. Mon identité est un pont entre deux mondes, et ce pont, je l’arpente chaque jour dans mon art. »
6. Que veux-tu transmettre à travers ton art ?
« Une étincelle. Une réflexion. Peut-être même une consolation. Je crois que l’art doit créer un espace où chacun peut se reconnaître ou se perdre, un espace où les émotions sont amplifiées mais jamais jugées. »
7. Si tu devais décrire ton style cinématographique en trois mots, lesquels choisirais-tu ?
« Épuré. Poétique. Introspectif. »
8. Quels sont les défis que tu rencontres en tant qu’étudiant en sciences et cinéaste ?
« Le temps est un luxe que je n’ai pas toujours, mais c’est aussi une contrainte fertile. Les limites m’obligent à aller droit au but, à créer avec une intensité brute. Mais jongler entre ces deux univers exige une discipline que j’apprends chaque jour. »
9. As-tu une œuvre ou un projet qui représente particulièrement ton essence ?
« Elevation est un court-métrage qui incarne une grande partie de ma vision artistique. À travers cette œuvre, j’explore les luttes intérieures, les moments de suspension entre le doute et la résilience. Le
film joue avec les contrastes : lumière et ombre, élévation et chute, humain et inhumain. C’est un projet où j’ai voulu capter l’essence de ce qui nous pousse à nous dépasser, malgré les poids invisibles qui nous retiennent. Cette recherche de sens, cette quête d’élévation, résonne profondément avec ma démarche créative.. »
10. Comment vois-tu l’évolution de ton travail artistique dans les années à venir ?
« Je rêve de tisser des histoires plus universelles tout en restant ancré dans mes sensibilités. Peut-être même d’explorer des formats plus longs, comme un film ou un documentaire, pour plonger encore plus profondément dans les thèmes qui m’obsèdent. »
11. Qu’est-ce qui te fait vibrer dans une image, un plan, ou une scène ?
« C’est la sincérité qui me touche. Quand l’image n’est pas parfaite mais vraie. Quand le cadrage n’est pas juste esthétique mais raconte une émotion. C’est cet équilibre fragile entre la beauté et la vulnérabilité. »
12. Quel message souhaites-tu transmettre aux jeunes qui hésitent à suivre leurs passions ?
« Ce n’est pas seulement un message pour les jeunes, car l’être humain est tellement évolutif qu’il serait réducteur de le limiter à son âge. À tout moment de la vie, chaque grande aventure commence par un premier pas, souvent maladroit, mais essentiel. N’attendez pas que tout soit parfait ou que le chemin soit tracé d’avance. Ce qui vous anime profondément saura toujours trouver un chemin, même au cœur des incertitudes. »
13. Si tu devais choisir une seule chose que ton art t’a apprise, ce serait quoi ?
« Que chaque imperfection raconte une histoire, comme une fissure laisse passer la lumière. Nos failles, dans l’art comme dans la vie, sont ce qui nous rend uniques. »
Conclusion pour l’interview
"Je ne cherche pas à laisser une trace. Je cherche à allumer des feux, à offrir un espace de silence ou d’émotion brute. Parce qu’au fond, l’art, comme la vie, est fait pour être ressenti, non pour être expliqué."